Sunday, February 10, 2013


Homélie du 25ème anniversaire du Centre Brésillac de Calavi
par le P. Jean-Marie Guillaume, SMA
Supérieur Général SMA

 Un anniversaire est une occasion pour rendre grâce pour les années vécues, pour les grâces et les bénédictions reçues, pour nous aujourd’hui pour les 25 ans de fonctionnement du Centre Spirituel Mgr de Brésillac. C’est une occasion aussi de nous appuyer sur ce qui a été vécu pour nous renouveler dans la foi et l’espérance face aux années à venir et demander à Dieu d’achever en nous ce qu’il a commencé.
Lors de sa quinzième assemblée générale de 1983, la SMA avait décidé d’accueillir des candidats originaires des Églises des pays d’Afrique qu’elle avait aidé à fonder et à faire grandir. L’idée était d’inviter ces Églises à participer à la mission ad Gentes et ad extra, c'est-à-dire à l’extérieur de leur pays, en offrant sa tradition, ses structures et son esprit missionnaire à ces Églises. La SMA avait et a encore conscience qu’elle est un institut de vie apostolique parmi d’autres, un instrument parmi d’autres au service de l’Église, sous la juridiction de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, un instrument aux mains de Dieu pour la mission de Dieu. Cette décision a marqué un pas important dans l’histoire de notre Société et certains, pensant probablement que notre mission était terminée se sont même étonnés de cette décision, mais la mission n’est jamais terminée, elle fait partie de toute Église locale, de tout institut.
Très rapidement quelques candidats à la vie missionnaire dans notre institut se sont présentés venant de plusieurs  pays, Ghana, Benin, Nigeria. Ils sont prêtres missionnaires aujourd’hui, le plus ancien a déjà célébré ses 20 ans de sacerdoce  Mais il a fallu quelques années pour que les maisons de formation de la SMA se mettent en place, la première étant ce centre Brésillac à Calavi qui a ouvert ses portes en octobre 1987, il y a donc 25 ans. Dès le début, nous avons voulu que ce centre soit de caractère international, c'est-à-dire qu’il accueille des candidats à la SMA originaires de divers pays d’Afrique et même d’autres continents, afin qu’ils puissent faire l’expérience concrète de ce qu’est la catholicité de l’Église, qu’ils puissent apprendre à connaître leur continent en vivant avec des personnes d’autres pays, qu’ils puissent apprendre les uns des autres, qu’ils puissent s’estimer, s’aimer, se reconnaître frères, apprendre à prier et s’exercer à la générosité et à l’ouverture aux autres, partageant les mêmes convictions, la même aspiration à la mission, qu’ils puissent ensemble découvrir l’histoire de notre société, le charisme, l’intuition missionnaire et les méthodes missionnaires que nous avons héritées de notre Fondateur, Mgr de Marion Brésillac. Ils sont plus de 400 à avoir séjourné en ce centre spirituel, et près de 200 sont prêtres missionnaires aujourd’hui, la plupart en mission en un autre pays que leur pays d’origine. Il est intéressant de voir que la plupart de ces jeunes gardent un excellent souvenir de cette expérience, « nous avons fait Calavi » aiment-ils répéter. Je crois savoir aussi que ce centre est vu par beaucoup de gens du voisinage et beaucoup de chrétiens comme un centre de rayonnement de la foi chrétienne et de la fraternité humaine, en tout cas c’est ce que je souhaite. Ainsi ce centre a aussi pour fonction de participer à l’éducation de la personne humaine. À sa manière, il apporte ainsi sa contribution à l’éducation du pays qui célèbre cette année les 150 ans de l’école catholique.
Ce n’est pas un centre universitaire, on ne sort pas de cette année spirituelle avec un diplôme. Le serment d’appartenance à la SMA qui clôture l’année spirituelle, le 25 juin, n’est pas une récompense obligatoire, il marque un pas de plus, temporaire, dans l’engagement des jeunes pour la mission, il leur permet tout simplement de pouvoir participer à une expérience missionnaire concrète sur le terrain, en différents lieux de mission, dans ce que nous appelons « le stage ». Cette année spirituelle permet a des jeunes de réfléchir et d’approfondir leur vocation missionnaire dans le sein de la SMA, elle leur permet aussi de s’approcher davantage de Dieu et de leurs frères en communauté, elle les met en situation d’apprentissage de la prière et de la méditation, outils indispensables pour une vie de mission et de témoignage de la présence et de l’amour de Dieu qui s’est incarné en Jésus Christ, toujours vivant parmi nous.  
Plusieurs raisons ont poussé notre institut à choisir le Bénin pour y établir notre centre. Je pense que l’Esprit Saint nous y a poussé sans trop que l’on s’en rende compte. Peut-être que la première de ces raisons, qui n’a pas souvent été commentée, s’établit sur la volonté de Mgr de Brésillac de choisir le Dahomey comme sa première terre de mission en Afrique, à partir de laquelle il pensait rayonner en Afrique de l’Ouest. La Congrégation pour la Propagation de la Foi a préféré lui attribuer le Liberia et la Sierra Leone qu’il a rejoint en mai 1859. Arrivé à Freetown, il avait planifié de faire un voyage de reconnaissance au Dahomey, mais la fièvre jaune l’emporta rapidement, bien avant qu’il ait pu réaliser son projet. Sa mort a permis au moins que la deuxième équipe de la Société des Missions Africaines prenne pied au Dahomey, conduite par le Père Borghero. Une autre raison qui a permis l’implantation de ce centre à Calavi a été le soutien du Cardinal Gantin et l’accueil de Mgr Adimou, alors archevêque de Cotonou. Cet accueil de l’archevêque s’est tout de suite doublé d’un accueil concret de nombreux chrétiens de Calavi et de Cotonou… Dès le début, des familles chrétiennes ont accueilli nos jeunes candidats venus de pays anglophones, ne parlant pas français, dans leur famille. Ces familles continuent à le faire aujourd’hui. Nos jeunes ont toujours été très sensibles à cet accueil en famille et ils en sont toujours reconnaissants. Et petit à petit, à partir de cette maison, est née l’amicale SMA qui a grandi et continue de multiplier ses rameaux. Nous, membres de la SMA, nous rendons grâce pour l’accueil de l’Église qui est au Bénin, pour l’accueil réservé ainsi à notre institut, nous rendons grâce pour toutes ces familles d’accueil, pour vous tous membres des amicales… Avec nous, vous devenez ainsi missionnaires, vous participez à la grande mission universelle de l’Église, à la mission d’évangélisation de l’Afrique.
Nous rendons grâce aussi pour l’Église du Bénin, pour les familles du Bénin qui acceptent, parfois avec peine, mais de façon généreuse, à laisser leur fils poursuivre leur vocation missionnaire, avec comme seule récompense la joie de les soutenir et même de les aider matériellement dans le champ de la mission où ils seront envoyés. Ils sont aujourd’hui  16 prêtres et 3 diacres missionnaires SMA originaires du Bénin, le plus lointain d’entre eux est en charge d’une maison de formation aux Philippines.
Depuis la disparition de la première équipe de missionnaires en Sierra Leone en juin 1859, il y a donc 154 ans, la SMA n’avait jamais envoyé d’autres missionnaires en Sierra Leone. L’évêque de Freetown and Bo a plusieurs fois insisté pour que nous retournions là-bas. Cette invitation est devenue plus pressante lors des célébrations du 150ème anniversaire de la mort du Fondateur en 2009. « Venez au moins » disait-il « pour prendre soin de la tombe de vos premiers missionnaires que nous avons entretenue pour vous depuis 150 ans ». Après réflexion et tractations, et je pense encore sous la pression de l’Esprit Saint que nous n’avons pas manqué de prier, malgré la rareté de notre personnel disponible, nous avons décidé d’envoyer là-bas une première équipe de trois missionnaires, ils ont rejoint la Sierra Leone en octobre et novembre dernier. Ils ont comme tâche d’ouvrir une paroisse dans la périphérie de Freetown, un nouveau quartier populaire qui s’appelle Kwama, dont la population est grandissante et ne dispose actuellement que d’une petite station secondaire. Leur tâche aussi, dans les années à venir, sera d’établir un sanctuaire dédié à Notre Dame de toute guérison ; dans la SMA fondée un jour de 8 décembre, nous avons une grande dévotion à Notre Dame. Donc ce sanctuaire sera dédié à Notre Dame de toute guérison, en accomplissement du désir de notre Fondateur parti de Notre Dame de Fourvière à Lyon avec l’idée d’établir ce sanctuaire.

Il se trouve que le responsable de cette équipe est un prêtre SMA originaire du Bénin, originaire de ce Dahomey dans lequel  Mgr de Brésillac tenait tant à lancer sa mission (Bruno Miyigbena). Un deuxième prêtre, ordonné il y a deux ans est originaire du Ghana et le troisième vient de l’Inde, pays où Mgr de Brésillac, pendant douze ans, a appris la mission, la proximité avec les gens, le sens de l’adaptation à des cultures, à des façons d’exprimer la foi chrétienne, qui n’étaient pas les siennes.  
Comme lectures pour la liturgie de ce jour nous avons simplement gardé les lectures prévues pour ce samedi de la 4ème semaine du temps ordinaire. Elles sont paroles de Dieu pour nous aujourd’hui. Je pense qu’on peut y discerner ce qui fait la base de la mission du disciple de Jésus, comme aussi de la vie de tout chrétien.
 Il y a d’abord la première lecture, un passage de la lettre aux Hébreux qui rappelle le rôle unique de Jésus. Il a été envoyé par Dieu, qualifié « comme le Dieu de la paix ». Dieu, « le Dieu de la paix », a fait remonter Jésus d’entre les morts, il l’a ressuscité, et c’est Jésus ressuscité, vivant qui nous rassemble. Chaque fois que nous célébrons l’Eucharistie, nous faisons mémoire de la mort et de la résurrection de Jésus. Ainsi, Jésus, qualifié dans cette première lecture comme « le berger des brebis » ne conduit pas ses brebis à la mort, mais il les fait sortir de la mort. Et le Dieu de Jésus Christ, continue l’auteur de la lettre aux Hébreux, à cause de Jésus Christ notre berger, continue à  nous « munir de tout ce qui est bon pour accomplir sa volonté et réaliser en nous ce qui lui plaît. Aussi nous dit le début de ce passage, « en toute circonstance offrons à Dieu, par Jésus un sacrifice de louange, c'est-à-dire l’acte de foi qui sort de nos lèvres en l’honneur de son nom. Ne manquez pas d’être généreux et de partager. C’est cela qu’il faut offrir à Dieu pour lui plaire ». Aujourd’hui à l’occasion du 25ème anniversaire de ce centre Brésillac, la circonstance pour la louange, pour l’offrande, pour le partage est grande.
Une autre citation de cette première lecture est aussi d’actualité pour nous en ce jour d’action de grâces, je cite « faites confiance à ceux qui vous dirigent et soyez-leur soumis. En effet ils sont là pour veiller sur vos âmes et ils auront à rendre des comptes. Ainsi ils accompliront leur tâche avec joie, sans avoir à se plaindre, ce qui ne vous serait d’aucun profit ». Ces paroles dans le contexte de cette maison, s’adressent probablement aux  21 jeunes qui sont aujourd’hui en formation ici. J’ai mentionné tout à l’heure qu’ils étaient plus de 400 jeunes à avoir passé une année dans ce centre, mais il ne faut pas oublier non plus que une quarantaine de formateurs, de toute nationalité, se sont succédé ici pour accompagner ces jeunes. Eux aussi ont été marqués par leur expérience en cette maison où ils ont appris tant de choses. Ils sont pour nous motifs d’action de grâce en ce jour. Cette parole de la première lecture « faites confiance à ceux qui vous dirigent et soyez‑leur soumis », je pense aussi qu’elle peut s’adresser à l’ensemble de la Société des Missions Africaines qui au cours des âges a essayé d’être fidèle à l’esprit et à l’intuition missionnaire de son fondateur. Elle s’adresse aussi à chacun d’entre nous qui avons tous besoin d’être guidés dans la foi par nos aînés, par nos responsables qui en principe sont experts dans les choses de Dieu et deviennent « bergers des brebis », comme Jésus, à la suite de Jésus l’unique Berger.
 Je voudrais m’arrêter un peu aussi sur l’évangile de ce jour, qui est un passage de l’évangile de Marc. L’évangile de Marc tout entier est d’ailleurs dirigé vers les disciples de Jésus. Marc dans son évangile essaie de montrer comment Jésus veut former ses disciples, comment il veut les initier à la mission. Les disciples sont derrière lui, à suivre le maître comme ils peuvent, souvent ils ne le comprennent pas et ils s’essoufflent derrière lui, tant il veut les amener très haut, tant il voudrait qu’à travers eux, ses compagnons et disciples, passent la force de l’Esprit et l’amour de Dieu.
Le passage de ce jour montre les apôtres, « après leur première mission », se réunir autour de Jésus, prendre un peu de repos, un peu de temps pour une évaluation, un partage d’expérience, un peu de temps pour goûter sa présence et se remplir de sa force pour mieux affronter ces foules affamées, ses nombreux arrivants et partants qui les sollicitent. C’est un peu ce qui se passe dans ce centre : des jeunes qui au cours de leur formation intellectuelle, interrompent leurs études, pour se mettre à l’écart, apprendre ce qu’est la personne de Jésus dans leur vie, afin de mieux affronter le reste de leur formation plus tard et la mission exigeante qui les attend. C’est aussi ce que nous faisons tous aujourd’hui pour quelques heures dans l’action de grâce de ce jour.
 Nous rendons grâce pour ces 25 ans de fonctionnement du Centre Brésillac. Nous rendons grâce pour ce temps de grâce qui nous est donné, nous rendons grâce pour le privilège d’avoir été appelé à participer à quelque niveau que nous soyons, à la mission de Dieu. À lui appartient la gloire pour les siècles des siècles. Amen