Homélie du 25ème
anniversaire du Centre Brésillac de Calavi
par le P. Jean-Marie Guillaume, SMA
Supérieur Général SMA
Lors de sa quinzième
assemblée générale de 1983, la SMA avait décidé d’accueillir des candidats
originaires des Églises des pays d’Afrique qu’elle avait aidé à fonder et à
faire grandir. L’idée était d’inviter ces Églises à participer à la mission ad
Gentes et ad extra, c'est-à-dire à l’extérieur de leur pays, en offrant sa
tradition, ses structures et son esprit missionnaire à ces Églises. La SMA
avait et a encore conscience qu’elle est un institut de vie apostolique parmi
d’autres, un instrument parmi d’autres au service de l’Église, sous la juridiction
de la Congrégation pour l’Évangélisation des Peuples, un instrument aux mains
de Dieu pour la mission de Dieu. Cette décision a marqué un pas important dans
l’histoire de notre Société et certains, pensant probablement que notre mission
était terminée se sont même étonnés de cette décision, mais la mission n’est
jamais terminée, elle fait partie de toute Église locale, de tout institut.
Très rapidement
quelques candidats à la vie missionnaire dans notre institut se sont présentés venant
de plusieurs pays, Ghana, Benin,
Nigeria. Ils sont prêtres missionnaires aujourd’hui, le plus ancien a déjà
célébré ses 20 ans de sacerdoce Mais il
a fallu quelques années pour que les maisons de formation de la SMA se mettent
en place, la première étant ce centre Brésillac à Calavi qui a ouvert ses
portes en octobre 1987, il y a donc 25 ans. Dès le début, nous avons voulu que
ce centre soit de caractère international, c'est-à-dire qu’il accueille des
candidats à la SMA originaires de divers pays d’Afrique et même d’autres
continents, afin qu’ils puissent faire l’expérience concrète de ce qu’est la
catholicité de l’Église, qu’ils puissent apprendre à connaître leur continent
en vivant avec des personnes d’autres pays, qu’ils puissent apprendre les uns
des autres, qu’ils puissent s’estimer, s’aimer, se reconnaître frères, apprendre
à prier et s’exercer à la générosité et à l’ouverture aux autres, partageant
les mêmes convictions, la même aspiration à la mission, qu’ils puissent
ensemble découvrir l’histoire de notre société, le charisme, l’intuition
missionnaire et les méthodes missionnaires que nous avons héritées de notre
Fondateur, Mgr de Marion Brésillac. Ils sont plus de 400 à avoir séjourné en ce
centre spirituel, et près de 200 sont prêtres missionnaires aujourd’hui, la
plupart en mission en un autre pays que leur pays d’origine. Il est intéressant
de voir que la plupart de ces jeunes gardent un excellent souvenir de cette
expérience, « nous avons fait Calavi » aiment-ils répéter. Je crois
savoir aussi que ce centre est vu par beaucoup de gens du voisinage et beaucoup
de chrétiens comme un centre de rayonnement de la foi chrétienne et de la
fraternité humaine, en tout cas c’est ce que je souhaite. Ainsi ce centre a
aussi pour fonction de participer à l’éducation de la personne humaine. À sa
manière, il apporte ainsi sa contribution à l’éducation du pays qui célèbre
cette année les 150 ans de l’école catholique.
Ce n’est pas un
centre universitaire, on ne sort pas de cette année spirituelle avec un
diplôme. Le serment d’appartenance à la SMA qui clôture l’année spirituelle, le
25 juin, n’est pas une récompense obligatoire, il marque un pas de plus,
temporaire, dans l’engagement des jeunes pour la mission, il leur permet tout
simplement de pouvoir participer à une expérience missionnaire concrète sur le
terrain, en différents lieux de mission, dans ce que nous appelons « le
stage ». Cette année spirituelle permet a des jeunes de réfléchir et
d’approfondir leur vocation missionnaire dans le sein de la SMA, elle leur permet
aussi de s’approcher davantage de Dieu et de leurs frères en communauté, elle
les met en situation d’apprentissage de la prière et de la méditation, outils
indispensables pour une vie de mission et de témoignage de la présence et de
l’amour de Dieu qui s’est incarné en Jésus Christ, toujours vivant parmi nous.
Plusieurs raisons ont
poussé notre institut à choisir le Bénin pour y établir notre centre. Je pense
que l’Esprit Saint nous y a poussé sans trop que l’on s’en rende compte.
Peut-être que la première de ces raisons, qui n’a pas souvent été commentée,
s’établit sur la volonté de Mgr de Brésillac de choisir le Dahomey comme sa
première terre de mission en Afrique, à partir de laquelle il pensait rayonner
en Afrique de l’Ouest. La Congrégation pour la Propagation de la Foi a préféré
lui attribuer le Liberia et la Sierra Leone qu’il a rejoint en mai 1859. Arrivé
à Freetown, il avait planifié de faire un voyage de reconnaissance au Dahomey,
mais la fièvre jaune l’emporta rapidement, bien avant qu’il ait pu réaliser son
projet. Sa mort a permis au moins que la deuxième équipe de la Société des
Missions Africaines prenne pied au Dahomey, conduite par le Père Borghero. Une
autre raison qui a permis l’implantation de ce centre à Calavi a été le soutien
du Cardinal Gantin et l’accueil de Mgr Adimou, alors archevêque de Cotonou. Cet
accueil de l’archevêque s’est tout de suite doublé d’un accueil concret de
nombreux chrétiens de Calavi et de Cotonou… Dès le début, des familles
chrétiennes ont accueilli nos jeunes candidats venus de pays anglophones, ne
parlant pas français, dans leur famille. Ces familles continuent à le faire
aujourd’hui. Nos jeunes ont toujours été très sensibles à cet accueil en
famille et ils en sont toujours reconnaissants. Et petit à petit, à partir de
cette maison, est née l’amicale SMA qui a grandi et continue de multiplier ses
rameaux. Nous, membres de la SMA, nous rendons grâce pour l’accueil de l’Église
qui est au Bénin, pour l’accueil réservé ainsi à notre institut, nous rendons
grâce pour toutes ces familles d’accueil, pour vous tous membres des amicales… Avec
nous, vous devenez ainsi missionnaires, vous participez à la grande mission
universelle de l’Église, à la mission d’évangélisation de l’Afrique.
Nous rendons grâce
aussi pour l’Église du Bénin, pour les familles du Bénin qui acceptent, parfois
avec peine, mais de façon généreuse, à laisser leur fils poursuivre leur
vocation missionnaire, avec comme seule récompense la joie de les soutenir et
même de les aider matériellement dans le champ de la mission où ils seront
envoyés. Ils sont aujourd’hui 16 prêtres
et 3 diacres missionnaires SMA originaires du Bénin, le plus lointain d’entre
eux est en charge d’une maison de formation aux Philippines.
Depuis la disparition
de la première équipe de missionnaires en Sierra Leone en juin 1859, il y a
donc 154 ans, la SMA n’avait jamais envoyé d’autres missionnaires en Sierra
Leone. L’évêque de Freetown and Bo a plusieurs fois insisté pour que nous
retournions là-bas. Cette invitation est devenue plus pressante lors des
célébrations du 150ème anniversaire de la mort du Fondateur en 2009.
« Venez au moins » disait-il « pour prendre soin de la tombe de
vos premiers missionnaires que nous avons entretenue pour vous depuis 150 ans ».
Après réflexion et tractations, et je pense encore sous la pression de l’Esprit
Saint que nous n’avons pas manqué de prier, malgré la rareté de notre personnel
disponible, nous avons décidé d’envoyer là-bas une première équipe de trois
missionnaires, ils ont rejoint la Sierra Leone en octobre et novembre dernier.
Ils ont comme tâche d’ouvrir une paroisse dans la périphérie de Freetown, un
nouveau quartier populaire qui s’appelle Kwama, dont la population est
grandissante et ne dispose actuellement que d’une petite station secondaire. Leur
tâche aussi, dans les années à venir, sera d’établir un sanctuaire dédié à
Notre Dame de toute guérison ; dans la SMA fondée un jour de 8 décembre,
nous avons une grande dévotion à Notre Dame. Donc ce sanctuaire sera dédié à
Notre Dame de toute guérison, en accomplissement du désir de notre Fondateur
parti de Notre Dame de Fourvière à Lyon avec l’idée d’établir ce sanctuaire.
Il se trouve que le
responsable de cette équipe est un prêtre SMA originaire du Bénin, originaire
de ce Dahomey dans lequel Mgr de
Brésillac tenait tant à lancer sa mission (Bruno Miyigbena). Un deuxième
prêtre, ordonné il y a deux ans est originaire du Ghana et le troisième vient
de l’Inde, pays où Mgr de Brésillac, pendant douze ans, a appris la mission, la
proximité avec les gens, le sens de l’adaptation à des cultures, à des façons
d’exprimer la foi chrétienne, qui n’étaient pas les siennes.
Comme lectures pour
la liturgie de ce jour nous avons simplement gardé les lectures prévues pour ce
samedi de la 4ème semaine du temps ordinaire. Elles sont paroles de
Dieu pour nous aujourd’hui. Je pense qu’on peut y discerner ce qui fait la base
de la mission du disciple de Jésus, comme aussi de la vie de tout chrétien.
Une autre citation de
cette première lecture est aussi d’actualité pour nous en ce jour d’action de
grâces, je cite « faites confiance à ceux qui vous dirigent et soyez-leur
soumis. En effet ils sont là pour veiller sur vos âmes et ils auront à rendre
des comptes. Ainsi ils accompliront leur tâche avec joie, sans avoir à se plaindre,
ce qui ne vous serait d’aucun profit ». Ces paroles dans le contexte de
cette maison, s’adressent probablement aux
21 jeunes qui sont aujourd’hui en formation ici. J’ai mentionné tout à
l’heure qu’ils étaient plus de 400 jeunes à avoir passé une année dans ce
centre, mais il ne faut pas oublier non plus que une quarantaine de formateurs,
de toute nationalité, se sont succédé ici pour accompagner ces jeunes. Eux
aussi ont été marqués par leur expérience en cette maison où ils ont appris
tant de choses. Ils sont pour nous motifs d’action de grâce en ce jour. Cette
parole de la première lecture « faites confiance à ceux qui vous dirigent
et soyez‑leur soumis », je pense aussi qu’elle peut s’adresser à
l’ensemble de la Société des Missions Africaines qui au cours des âges a essayé
d’être fidèle à l’esprit et à l’intuition missionnaire de son fondateur. Elle
s’adresse aussi à chacun d’entre nous qui avons tous besoin d’être guidés dans
la foi par nos aînés, par nos responsables qui en principe sont experts dans
les choses de Dieu et deviennent « bergers des brebis », comme Jésus,
à la suite de Jésus l’unique Berger.
Le passage de ce jour
montre les apôtres, « après leur première mission », se réunir autour
de Jésus, prendre un peu de repos, un peu de temps pour une évaluation, un
partage d’expérience, un peu de temps pour goûter sa présence et se remplir de
sa force pour mieux affronter ces foules affamées, ses nombreux arrivants et
partants qui les sollicitent. C’est un peu ce qui se passe dans ce centre :
des jeunes qui au cours de leur formation intellectuelle, interrompent leurs
études, pour se mettre à l’écart, apprendre ce qu’est la personne de Jésus dans
leur vie, afin de mieux affronter le reste de leur formation plus tard et la
mission exigeante qui les attend. C’est aussi ce que nous faisons tous
aujourd’hui pour quelques heures dans l’action de grâce de ce jour.